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Étude de la mucoviscidose

Cette maladie est la plus fréquente des maladies héréditaires autosomiques récessives graves dans les populations d’origine européenne. Elle touche en moyenne un nouveau-né sur 2500 avec une fréquence variable selon l’origine géographique et ethnique des patients. En Europe, selon les régions, un enfant pour 1800 à 3500 naissances vivantes est atteint.

Avant la découverte de traitements, cette maladie était mortelle avant l’âge de la puberté et l’on peut se demander pourquoi, dès lors que ces individus ne procréaient pas, l’allèle est encore aussi fréquent dans l’espèce humaine.

Cette étude consiste à rechercher des arguments permettant de tenter d’expliquer cette dernière remarque.

La mutation

Le gène, porté par le chromosome 7 (7q31), a 4443 nucléotides et code pour une protéine de 1480 acides aminés dite CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator) qui forme un canal chlore.

De très nombreuses mutations sont à l’origine de la mucoviscidose mais une est beaucoup plus fréquente que les autres, elle est dite ΔF508.

Pour étudier cette mutation dans Anagène, télécharger le fichier CFTR.edi (clic droit Enregistrer la cible du lien sous...) qui contient les brins non transcrits des parties codantes du gène normal et du gène muté, ou ouvrir directement avec Geniegen2



Résultats d’alignements avec Geniegen2.

La PHE 508 a disparu, il y a eu délétion de TCT (2 dernières bases du 507 et première du 508, ce qui reconstitue un codon ATT pour Isoleucine).

Les séquences alléliques des CFTR sauvage et mutée pour utilisation dans Anagène ou GénieGen sont téléchargeables CFTR.edi (clic droit Enregistrer la cible du lien sous...) ou peuvent être ouvertes en ligne directement avec Geniegen2 : https://www.pedagogie.ac-nice.fr/svt/productions/geniegen2/?load=ADN-HS-CFTR-NORM,ADN-HS-CFTR-MUCO

La structure du canal transmembranaire CFTR

La structure tridimensionnelle du CFTR a été publiée en 2017, en utilisant la technique de cryo-microscopie électronique : Molecular Structure of the Human CFTR Ion Channel, Liu et al., Cell 169 (1), 2017


Structure du CFTR.
TMD = domaine trans-membranaire ; NBD = domaine de liaison au nucléotide ATP ; R = région régulatrice.
Liu et al., Cell 169 (1), 2017


Visualisation de la zone de passage des ions, en grisé.
Liu et al., Cell 169 (1), 2017


Modèle de fonctionnement montrant les changements de conformation permettant le passage des ions chlorure, après fixation d’ATP sur les domaines NBD et phosphorylation du domaine R.
Points rouges = ions chlorure ; ronds jaune = ATP ; P rouge = groupement phosphate.
Modifié d’après Liu et al., Cell 169 (1), 2017

Modèle de la structure de la protéine CFTR. Localisation de la Phénylalanine F508, en sphères rouges, à l’interface entre TMD1 et NBD1.
Image obtenue avec Libmol
Le modèle de la structure du CFTR est téléchargeable : CFTR.pdb
Détail de la localisation de la Phénylalanine F508 à l’interface entre le domaine NBD1 (vert) et le domaine transmembranaire TMD1 (jaune). Ici on met en évidence une interaction hydrophobe entre la phénylalanine F508 (en rouge) et l’arginine R1070 (en jaune) du domaine TMD1. À cette position la phénylalanine permettrait d’aider à la conformation de la protéine lors de sa synthèse, et de stabiliser la structure par la suite. En son absence, la protéine CFTR adopte une conformation différente et n’est pas transportée vers la membrane plasmique, restant bloquée dans le réticulum.
Image obtenue avec Libmol

Des représentations plus anciennes de la protéine

La structure tridimensionnelle des protéines transmembranaires est très difficile à obtenir par cristallographie et résonance magnétique nucléaire. En 2008, dans les cas présentés ci-dessous, la structure avait été obtenue en partant de la structure d’un transporteur ABC bactérien, proche de CFTR.
La différence principale entre les modèles vient de la stratégie de modélisation utilisée :
- dans le premier cas, une stratégie de modélisation de l’ensemble, afin de bien modéliser les interfaces entre les domaines ;
- dans le second cas, une stratégie hybride impliquant l’agencement de la structure expérimentale du NBD1 (obtenue par cristallographie) sur la structure du transporteur bactérien et par des modélisations théoriques des autres domaines.


Représentation simplifiée du modèle de la structure de la protéine CFTR
 
Modèle théorique de la structure de la CFTR sauvage
En haut, à droite, représentation agrandie de l’environnement de la phénylalanine F508 (en violet), acide aminé dont l’absence (ΔF508) (en bas à droite) est responsable de plus de 70% des cas de mucoviscidose.
D’après J. P. Mornon, P. Lehn, I. Callebaut, Atomic model of human cystic fibrosis transmembrane conductance regulator : Membrane-spanning domains and coupling interfaces, Cellular and Molecular Life Sciences, 65 : 2594-2612 (2008).
Image obtenue avec MolUSc à partir de la structure 3D décrite dans l’article.
La phénylalanine 508 est figurée en rouge, visible sur le côté droit du modèle. Elle se trouve à l’interface entre le domaine NBD1 et la boucle cytoplasmique CL4 entre 2 hélices du domaine transmembranaire MSD2. A cette position la phénylalanine permettrait d’aider à la conformation de la protéine lors de sa synthèse, et de stabiliser la structure par la suite.
Télécharger CFTR_in.pdb

Modèle théorique de la structure de la CFTR sauvage
 
Modèle théorique de la structure de la CFTR sauvage
Image extraite de l’article : Serohijos et al., "Phenylalanine 508 forms an interdomain contact in the CFTR structure crucial to folding and function" Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 105 : 3256-3261 (2008).
Pour en savoir plus sur ce modèle, on pourra utilement se reporter à la page qui lui est consacrée sur Libmol
Image obtenue avec MolUSc à partir de la structure 3D décrite dans l’article.
La phénylalanine 508 est figurée en rouge, visible sur le côté gauche du modèle. Elle se trouve à l’interface entre le domaine NBD1 et la boucle cytoplasmique CL4 entre 2 hélices du domaine transmembranaire MSD2. A cette position la phénylalanine permettrait d’aider à la conformation de la protéine lors de sa synthèse, et de stabiliser la structure par la suite.
Télécharger CFTR_STRUCTURAL_MODEL.pdb

Avant que toute la structure de la molécule ne soit modélisée, les premières tentatives de modélisation tridimensionnelle du domaine NB1 de la CFTR humaine ont été réalisées sur des peptides synthétiques, ne représentant qu’une portion du domaine. ATTENTION : on sait aujourd’hui que les structures adoptées par les peptides ne reproduisent pas les conformations observées pour ces mêmes peptides au sein des domaines protéiques qui les contiennent, en raison de l’absence des contacts existant à grande distance sur la séquence.

A titre d’information, les structures obtenues avec ces peptides sont proposées ci-dessous :


CFTR sauvage
 
CFTR mutante
Le peptide utilisé pour établir la structure tridimensionnelle comporte 26 acides aminés, qui correspondent au fragment Méthionine 498 - Alanine 523 de la CFTR. La structure est une hélice alpha, entre les acides aminés 4 et 25. La position de la phénylalanine 508 est indiquée par une flèche blanche. Image obtenue avec MolUSc.
Télécharger CFTR_sauvage.pdb
Le peptide utilisé pour établir la structure tridimensionnelle comporte 25 acides aminés, qui correspondent au fragment Méthionine 498 - Alanine 522 de la CFTR ΔF508. La structure est une hélice alpha, entre les acides aminés 4 et 24. Image obtenue avec MolUSc.
Télécharger CFTR_mutante.pdb

La fréquence des hétérozygotes

Le gène a 2 formes alléliques N (normal dominant) et m (muté récessif), si on nomme p la fréquence dans la population de l’allèle N et q la fréquence dans la population de l’allèle m, on a p + q = 1 puisqu’il n’y a que 2 allèles.
Si les unions entre les individus se font au hasard, il y aura un mélange aléatoire de gamètes porteurs de l’allèle N ou de l’allèle m, conduisant à 3 génotypes possibles : NN, Nm ou mm.
Grâce à un échiquier de croisement représentant des rencontres aléatoires de gamètes normaux et mutés, on peut trouver les fréquences des homozygotes et des hétérozygotes.

  N (p) m (q)
N (p) N//N (p2) N//m (pq)
m (q) N//m (pq) m//m (q2)

Comme la fréquence de la mucoviscidose est en moyenne de 1/2500 quelle est la fréquence des hétérozygotes ?
La fréquence de 1/2500 correspond à q2 donc q = 1/50, p est donc 1 - 1/50 soit environ 1. La fréquence des hétérozygotes est 2pq soit 2 x 1 x 1/50 = 1/25.

Une personne sur 25 est porteuse de l’allèle muté. Cette fréquence élevée conduit à rechercher des explications.

Les liens entre mucoviscidose et choléra

Le choléra est dû à une bactérie (Vibrio cholerae) qui colonise l’intestin et provoque une diarrhée plus ou moins sévère pouvant entraîner la mort.

Il existe des différences importantes de sensibilité au choléra entre les populations exposées à la bactérie. Près de 90 % des sujets infectés n’ont pas de symptômes et éliminent les bactéries par voie intestinale, 10 % auront une diarrhée dont environ 1 % présenteront un choléra sévère.

Les porteurs sains, qui semblent jouer un rôle majeur dans la dissémination de l’épidémie, témoignent d’une sensibilité génétique variable des sujets exposés.

La bactérie se colle contre la membrane des cellules intestinales et sécrète localement une toxine qui pénètre dans ces cellules ce qui déclenche des réactions biochimiques perturbant le fonctionnement de la molécule CFTR. Ce canal laisse alors passer des quantités plus importantes d’ions Cl- vers la lumière intestinale. Les ions Cl- sont accompagnés par de nombreuses molécules d’eau qui provoquent une diarrhée.

Les liens entre mucoviscidose et typhoïde

Salmonella typhi est la bactérie responsable de la typhoïde (inflammation grave du tube digestif). Pour que cette maladie se déclare il est nécessaire que la bactérie pénètre dans les cellules intestinales.

Certaines expériences auraient été réalisées sur des souris transgéniques chez qui on a intégré le gène humain sous la forme normale ou sous la forme mutée ΔF508.

Si on fait absorber par voie buccale des bactéries Salmonella typhi à ces souris, les résultats peuvent être résumés comme suit :

Souris homozygote pour l'allèle muté 0% de cellules infectées
Souris homozygote pour l'allèle normal 100% de cellules infectées
Souris hétérozygote pour le gène étudié 14% de cellules infectées

Le test de la sueur

Il consiste à mesurer le taux de chlorures dans la sueur. Les résultats sont interprétés de la manière suivante :

Taux de chlorures Résultat du test
inférieur à 40 mmol.L-1 négatif
compris entre 40 mmol.L-1 et 60 mmol.L-1 douteux
supérieur à 60 mmol.L-1 positif

Les individus malades ont donc une sueur plus riche en chlorures que les individus sains.

On peut rechercher la cohérence de ce test avec les informations obtenues dans les pages précédentes sachant que le canal CFTR des glandes sudoripares sert à la réabsorption des ions Cl-.

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