Dérive et sélection chez la drosophile

Publié le 27 septembre 2021

Construction de graphiques d’évolution d’effectifs de populations de drosophiles pour mettre en évidence des écarts à l’équilibre de Hardy-Weinberg.

Auteur : Vincent GUILI, Lycée Descartes, Saint-Genis-Laval

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Programme de sciences de la vie et de la Terre de terminale spécialité
BO spécial n°8 du 25 juillet 2019
Terminale spécialité : La Terre, la vie et l’organisation du vivant
Génétique et évolution
L’inéluctable évolution des génomes au sein des populations

Connaissances
Dans les populations eucaryotes à reproduction sexuée, le modèle théorique de Hardy-Weinberg prévoit la stabilité des fréquences relatives des allèles dans une population. Mais, dans les populations réelles, différents facteurs empêchent d’atteindre cet équilibre théorique.
Les populations sont soumises à la sélection naturelle et à la dérive génétique. À cause de l’instabilité de l’environnement biotique et abiotique, une différenciation génétique se produit obligatoirement au cours du temps.

Capacités
Comprendre et identifier les facteurs éloignant de l’équilibre théorique de Hardy-Weinberg, notamment l’appariement non-aléatoire, la sélection, la population finie (dérive).
Extraire, organiser et exploiter des informations sur l’évolution de fréquences alléliques dans des populations.


 

Mise en situation et objectif

Le modèle théorique de Hardy-Weinberg prévoit une stabilité au cours du temps de la composition génétique d’une population, à condition que :

  • les couples se forment au hasard et tous participent à la reproduction ;
  • il n’y a pas de mutation ;
  • la population est de grande taille ;
  • les allèles des gènes étudiés ne confèrent ni avantage, ni désavantage.

    Drosophila pseudoobscura (© Alex Wild)

     
    À partir des années 1950, les chercheurs ont mis au point des dispositifs expérimentaux permettant de suivre l’évolution de populations sur de nombreuses générations. Un bon modèle pour cela est la drosophile, car il est facile d’entretenir des élevages et le temps de génération est court (jusqu’à 25 générations successives par an).

À partir de données de suivi de populations, et en construisant des graphiques, on cherche à déterminer les facteurs qui influencent l’évolution du pool génétique d’une population.

Exploiter des résultats expérimentaux pour montrer l’effet de la dérive génétique

Des drosophiles sont élevées dans des conditions optimales de température, de faible densité et de disponibilité de nourriture. Trois types de populations sont maintenues : (i) grande population (plusieurs milliers d’individus libres de se reproduire), (ii) population moyenne (200 individus) et (iii) petite population (20 individus). Pour les populations à effectifs contrôlés, seule une fraction des adultes est gardée au hasard à chaque nouvelle génération (autant de mâles que de femelles : 100 ou 10 de chaque selon les populations) et peut pondre des œufs avant d’être éliminée. On précise que l’allèle Amy-1.84 de l’α-amylase est un allèle neutre (n’apporte pas d’avantage et ne crée pas d’inconvénient).

Document 1 : Fluctuations dans la fréquence de l’allèle Amy-1.84 de l’α-amylase chez des populations expérimentales de Drosophila pseudoobscura.
Source : Gene Frequency Changes at the α-Amylase Locus in Experimental Populations of Drosophila pseudoobscura. Darrell G. Yardley, Wyatt W. Anderson, and Henry E. Schaffer. Genetics 1977 87(2) : 357–369.

Fichiers tableur à télécharger :

Modelisation_experimentale_derive_drosophiles.ods

Modelisation_experimentale_derive_drosophiles.xlsx

 

Consigne :

  1. À partir des données, construire des graphiques pour visualiser l’évolution des effectifs des différentes populations.
  2. Exploiter ces graphiques pour mettre en évidence les caractéristiques de la dérive génétique.

 

Résultats

Document 2 : Fluctuations dans la fréquence de l’allèle Amy-1.84 de l’α-amylase chez des populations expérimentales de Drosophila pseudoobscura.

Dans le cas étudié ici, il n’y a pas de mutation ni de sélection, car les conditions de vie sont optimales et l’allèle Amy-1.84 est neutre.
On observe que plus l’effectif de la population est réduit, plus la fréquence de l’allèle s’écarte de l’équilibre théorique. Cela peut même aller jusqu’à la perte de l’allèle dans la population (cas de P7).
Dans une population à effectif limité, tous les couples possibles ne se forment pas, et donc les allèles ne sont pas toujours transmis également à la génération suivante. C’est la dérive génétique.

Exploiter des résultats expérimentaux pour montrer l’effet de la sélection naturelle

Les drosophiles adultes prélevées dans les populations sauvages ainsi que celles des collections de laboratoire ne sont pas particulièrement attirées ou repoussées par la lumière ou la gravité : les populations sont neutres par rapport à ces facteurs. La mise au point à la fin des années 1950 du labyrinthe de Hirsch a permis d’étudier le phototactisme et le géotactisme des drosophiles (tactisme = déplacement orienté).

Labyrinthes de Hirsch (1959)

Source : Th. Dobzhansky, and B. Spassky. “Effects of Selection and Migration on Geotactic and Phototactic Behaviour of Drosophila. I.” Proceedings of the Royal Society of London. Series B, Biological Sciences, vol. 168, no. 1010, 1967, pp. 27–47.

Exemple : une mouche qui sort dans le tube n°16 a choisi 15 fois le tube éclairé, alors qu’une mouche arrivant au tube n°1 a toujours choisi le côté obscur.

À chaque génération on attribue à chaque mouche un score correspondant au numéro du tube par lequel elle est sortie du labyrinthe. Le score global de la population est la moyenne des scores individuels. Il indique le niveau de phototactisme ou de géotactisme de la population.

Document 3 : Principe de la sélection de réponses comportementales chez des populations expérimentales de Drosophila pseudoobscura.

 

Score moyen de chaque génération = nombre moyen de choix d’orientation vers la lumière ou vers le haut lors de la traversée du labyrinthe de Hirsh.

Document 4 : Résultat de la sélection de réponses comportementales chez des populations expérimentales de Drosophila pseudoobscura
Source : Th. Dobzhansky, B. Spassky and J. Sved ; Effects of Selection and Migration on Geotactic and Phototactic Behaviour of Drosophila. Proc. R. Soc. Lond. B 1969 173, 191-207

Fichiers tableur à télécharger :

Modelisation_experimentale_selection_drosophiles.ods

Modelisation_experimentale_selection_drosophiles.xlsx

 

Consigne :

  1. À partir des données, construire des graphiques pour visualiser l’évolution des scores des différentes populations.
  2. Exploiter ces graphiques pour illustrer comment la sélection naturelle conduit à s’écarter de l’équilibre de Hardy-Weinberg.

 

Résultats

Document 4 : Sélection de réponses comportementales chez des populations expérimentales de Drosophila pseudoobscura

Dans le cas étudié ici, les drosophiles n’ont initialement pas de tactisme particulier pour ou contre la lumière ou la gravité. Si on laissait se reproduire toutes les mouches des tubes 1 à 16 à chaque génération, le score de la population ne devrait pas changer (équilibre théorique de Hardy-Weinberg).
En choisissant quelles mouches peuvent se reproduire (tube 1 ou tube 16), l’expérimentateur exerce une pression de sélection : seules les mouches ayant les caractères adaptés peuvent transmettre leurs gènes à la génération suivante.
On observe ainsi que génération après génération le score des populations s’écarte de l’équilibre théorique. Si seule une partie des individus peuvent se reproduire selon leur phénotype (et donc leur génotype), les caractéristiques générales de la population changent. C’est la sélection naturelle.
NB : les chercheurs ont montré que ces tactismes pour la lumière ou la gravité impliquent plusieurs gènes répartis sur tous les chromosomes de la drosophile.

Pistes d’évaluation

Les activités proposées se prêtent à une évaluation formative de la maitrise de la construction d’un graphique. La grille suivante doit permettre à l’élève de se positionner tout en lui donnant une indication de la progressivité des attendus, ou au professeur d’établir rapidement et simplement un positionnement positif sur les acquis des élèves.

Les indicateurs utilisés permettent d’évaluer les niveaux de maitrise d’une compétence comme en collège, avec quatre items identiques à ceux utilisés au Diplôme National du Brevet :

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