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Transferts horizontaux de gènes et arbres phylogénétiques

Mise en évidence de transferts horizontaux de gènes entre champignons et insectes en utilisant l’outil BLAST et en appliquant le principe de parcimonie.

Auteures : Gaëlle DEUX et Catherine PALMIER

Liens avec le BO

Programme de sciences de la vie et de la Terre de terminale spécialité
BO spécial n°8 du 25 juillet 2019

Terminale spécialité : La Terre, la vie et l’organisation du vivant
Génétique et évolution
La complexification ds génomes : transferts horizontaux et endosymbioses

L’universalité de l’ADN et l’unicité de sa structure dans le monde vivant autorisent des échanges génétiques entre organismes non nécessairement apparentés.
Des échanges de matériel génétique, hors de la reproduction sexuée, constituent des transferts horizontaux. Ils se font par des processus variés (vecteurs viraux, conjugaison bactérienne...).
Les transferts horizontaux sont très fréquents et ont des effets très importants sur l’évolution des populations et des écosystèmes. Les pratiques de santé humaine sont concernées (propagation des résistances aux antibiotiques).


 

Objectifs

Découvrir des outils de travail des chercheurs en bio-informatique et en génétique.
Communiquer et utiliser le numérique (Communiquer sur ses démarches, résultats, recherches, ses choix en argumentant).
Exercer l’esprit critique.

Le problème

On cherche à justifier que l’acquisition du régime phytophage de certains arthropodes a été rendu possible par des transferts horizontaux de gènes depuis des bactéries ou des champignons.

Sur le plan didactique

1) Motivation de la séance
Certains Arthropodes ont un régime phytophage, c’est-à-dire qu’ils se nourrissent exclusivement de végétaux. Lors de la digestion, des enzymes intestinales vont détruire les macromolécules végétales composant les parois végétales (cellulose, lignine, pectine, ...). Ces enzymes sont codées par les gènes GH 28, GH 45, GH 11, CE 8, … On s’intéresse plus précisément au gène GH 28 impliqué dans la dégradation de la pectine. Des recherches récentes, ont permis de montrer que ces enzymes auraient été acquises par un transfert horizontal de gènes : des gènes GH 28 d’une espèce (bactéries, champignons, ...) auraient été intégrés il y a des millions d’années dans une autre espèce (certains Arthropodes).

Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0965174816300078

2) Formulation de l’activité

Argumenter pour justifier que :

  1. Des transferts génétiques horizontaux à partir de génomes fongiques vers des génomes d’arthropodes permettent d’expliquer l’acquisition du régime phytophage de certains arthropodes.
  2. L’acquisition du régime phytophage n’est pas liée à une innovation évolutive apparue chez un ancêtre commun aux Arthropodes.


 

Supports de travail

  • Corpus documentaire :

    >XP_009550975.1
    MSALTLVLLLSATTVSSVFGASSCVGTISSLDDVAAAVKCTTVNINSFIVPAGKTFDLSLAAGTTVNLNG
    DVSFGNQTWAGPLFQISGSSITFNGNGHTFNGNGPFYWDGQGGNGGVTKPHPMMKIKISGTFTNIKVLNS
    PAHVYSVSNPAPLVMSKLTIDNSAGDAANSKSGGKAAGHNTDGFDVSTTDLTIEDSTVYNQDDCIAINKG
    SNIVFQRNTCVGGHGISIGSISTGATVSGVIISGNTITNNDNGLRIKTKASATDASVSNVTYSGNTATGI
    RKYGVLIDQSYPDTLGTPGKNVHISGITFSGAESDVAVVSGAKRVAVNCGDCTGTWDWGKLKVSGGSAGS
    ISGFSGIENFSL

    Document 1 : Séquence GH 28 (enzyme polygalacturonase) du champignon Heterobasidion irregulare

Document 2 : Arbre phylogénétique des Arthropodes.
Les traits vert, rouge et bleu indiquent les transferts horizontaux mis en évidence par des scientifiques.
Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4943190/pdf/evw119.pdf

Document 3 : Le principe de parcimonie.
Le principe de parcimonie, principe d’économie d’hypothèses, va conduire à retenir les arbres phylogénétiques qui utilisent le moins de transformations (ou innovations évolutives).
Source : "Comprendre et enseigner la classification du vivant", Lecointre et Le Guyader, Éditions Belin.

Sources documentaires

Source principale :

Sources secondaires :

Évaluation

Critères de référence :

  • Pertinence des éléments prélevés dans les documents pour résoudre le problème scientifique.
  • Complétude et pertinence des connaissances nécessaires pour traiter le problème de manière complète, en sus des données issues des documents.

Informations à prélever :

  • Mise en évidence de la séquence de l’enzyme GH 28 chez plusieurs arthropodes.
  • Identification de ces groupes d’arthropodes porteurs de l’enzyme.
  • Positionnement sur l’arbre de parenté les innovation évolutives GH 28.
  • Le principe de parcimonie est cité et utilisé.

Connaissances mobilisées :

  • Notion d’innovation évolutive apparue chez un ancêtre commun.
  • La plupart des descendants d’un ancêtre commun porte ce nouveau caractère.

Sur le plan pédagogique

1. Phases de travail décrites.

Phase individuelle ou en binôme : les élèves réfléchissent à une stratégie permettant d’argumenter en faveur d’un transfert horizontal de gènes depuis les champignons vers des insectes, favorisant l’acquisition d’un régime phytophage. Après validation par le professeur, ils cherchent à l’aide de BLAST à valider leur hypothèse.
Mise en commun : Les élèves s’accordent sur le fait que des séquences propres aux champignons sont retrouvés dans le génome de certains insectes, insectes phytophages.
Mais pour autant, est-ce un transfert horizontal de gènes ou est-ce un caractère hérité d’un ancêtre commun ?
L’analyse de l’arbre phylogénétique va permettre d’argumenter en faveur d’un transfert de gènes d’une espèce à une autre.
Phase en binôme : Les élèves analysent, positionnent l’innovation évolutive dans l’arbre et argumentent en faveur d’un transfert horizontal de gènes.

2. Activité adaptée à un ou deux types d’organisation.

TP par binôme ou groupes de 4 élèves afin de permettre la confrontation d’idée, la réfutation ou la validation d’hypothèses.

3. Organisation de la mise en commun.

Phase de mise en commun : le professeur projette au tableau l’arbre phylogénétique (doc 2) et note dessus les résultats des analyses génétiques. On visualise ainsi la position de l’innovation évolutive “Présence d’enzymes dégradant la paroi des cellules végétales” dans les groupes identifiés avec BLAST. Ainsi, on peut valider le transfert horizontal de gènes et non le transfert vertical.

Résultats

Document 1 et Fiche Technique : le site BLAST est utilisé en bio-informatique pour déterminer des parentés entre des gènes ou des protéines. Ainsi, en introduisant une séquence dans le site, on peut rechercher sa présence ou son absence dans différents groupes du monde vivant.
Ici, on a une séquence d’un champignon capable de digérer la pectine grâce à une enzyme, la GH 28. On cherche à savoir si on trouve cette enzyme chez des Arthropodes. A priori, on devrait la retrouver chez des insectes phytophages.
L’élève introduit la séquence dans BLAST et recherche la présence dans les différents groupes mentionnés dans le document 2.
La recherche dans BLAST de la séquence GH 28 proposée permet de montrer qu’on la retrouve chez des :

  • Coléoptères phytophages
  • Hémiptères
    Ce qui semble conforme à l’arbre présenté.
    Cependant, on ne la trouve pas chez les Phasmatodea pour lesquels les chercheurs ont validé l’existence d’un transfert horizontal de gènes. On peut expliquer cela car on ne s’est intéressé qu’à une seule enzyme, or les chercheurs en ont pris plusieurs, originaires de champignons ou de bactéries.

Conclusion 1 : Des gènes présents chez certains champignons et permettant la dégradation de la cellulose sont retrouvés chez certains arthropodes. C’est un argument en faveur de transferts horizontaux de gènes.

Document 2 :
On voit que plusieurs groupes d’Arthropodes possèdent des enzymes permettant de dégrader les molécules des parois des cellules végétales : Coleoptera, Hemiptera, Phasmatodea. Deux hypothèses peuvent être formulées pour expliquer la présence de ces gènes dans les 3 groupes d’Arthropodes :

  • 1ère hypothèse  : Cette innovation évolutive, partagée par ces groupes, serait apparue avant l’ancêtre commun à ces trois espèces. Par conséquent, la totalité de la descendance de cet ancêtre commun devrait posséder ce type de gènes. Or, ce n’est pas le cas, seuls 3 sur 23 le possèdent. Le gène aurait été “perdu” au cours du temps par 20 groupes. Cela revient à faire 20 modifications au maximum dans l’arbre (une pour chaque branche) ou 11 modifications au minimum (une pour chaque ensemble de groupe concerné).
  • 2ème hypothèse : ces gènes auraient été acquis par transfert horizontal de gènes dans les 3 groupes concernés, indépendamment des autres groupes. Cela ferait seulement 3 modifications dans l’arbre.

Conclusion 2 : Le principe de parcimonie dans la construction des arbres (doc 3), nous indique que l’évolution privilégie le nombre minimal de modifications. Ainsi, la première hypothèse d’un transfert vertical de gènes avec perte de gènes acquis, semble peu probable en raison du nombre élevé de modifications nécessaires. La deuxième hypothèse, celle d’un transfert horizontal de gènes, semble probable : le transfert de gènes depuis un champignon vers les groupes Coleoptera, Hemiptera, Phasmatodea aurait permis l’acquisition d’une nouvelle propriété par ces Arthropodes, celle de dégrader la paroi végétale, leur offrant ainsi une nouvelle niche écologique.

Conclusion générale : Les séquences communes aux champignons et aux insectes phytophages et leur répartition dans l’arbre phylogénétique prouvent des transferts horizontaux de gènes. Ces transferts horizontaux de gènes ont un rôle majeur dans l’évolution du vivant et participent à la diversification et complexification du vivant.

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