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Granites et migmatites : témoins d’un épaississement de la croûte continentale dans une chaîne de montagnes

Par Sylvie Fanfano, professeur de SVT ;
relecture par Jean Marc Lardeaux professeur de géologie à l’université Sophia Antipolis à Nice

Des indices de terrain pour comprendre le contexte de formation d’un granite

Granites et migmatites se forment dans les parties profondes des chaînes de montagnes. En conséquence, on ne peut pas les étudier dans des chaînes récentes comme les Alpes Occidentales car elles s’y situent à grande profondeur et sont inaccessibles à l’observation directe. Notre étude portera sur une vieille chaîne de montagne, largement érodée, le Massif Central Français (MCF) et dont les parties profondes sont donc à l’affleurement grâce à l’érosion. Le MCF est une chaîne de collision qui a participé à la formation de la Pangée. Le MCF est une partie de cette énorme chaîne de montagne qui s’est formée il y a -400 à – 300 Ma. Le MCF est essentiellement formé de gneiss et de granites.


Source : Guide géologique du Mercantour
par Corsini, Lardeaux et Tordjman, BRGM éditions (2013)
 

A l’affleurement on observe des filons (F) de granite clair qui recoupent des roches métamorphiques très déformées (la foliation, S, est visible). Le granite est une roche magmatique donc issue d’un magma.

Les roches déformées montrent des caractéristiques pétrologiques et structurales très particulières : ce sont des migmatites qui permettent de comprendre l’origine des granites et donc le lien entre gneiss et granite. Ces migmatites sont des roches dont l’origine du mot (migma=mélange) reflète leur aspect et aussi leur mémoire.

On y trouve une partie gneissique avec une alternance de lits sombres riches en micas noirs et de lits clairs (foliation) mais aussi des poches claires discontinues qui estompent l’alternance gneissique. Ces poches claires à texture grenue sont formées de quartz et de feldspaths et constituent la partie granitique de la migmatite.

 
Photographies de migmatites du Massif Central Français (X1)
 
A l’affleurement on peut constater que les niveaux de composition granitique se raccordent aux filons de granites qui recoupent les migmatites.

La mémoire décryptée d’une migmatite

La migmatite résulte d’un gneiss qui a subi une fusion partielle localisée qui a généré un magma localisé mais qui a aussi pu être collecté sous forme de filons. Ce magma en se refroidissant a donné un granite dit d’anatexie.

Les gneiss, roches métamorphiques déformées, ont donc subi une fusion partielle à l’origine des granites d’anatexie et les migmatites sont la mémoire de ce phénomène.

Les zones à texture grenue correspondent à des domaines partiellement fondus dont une partie du liquide a été extrait puis collectée et qui alimenté la formation des granites mais dont une partie a recristallisé sur place (le leucosome). Les parties foliées, gneissiques sont les témoins de la roche non fondue (le mélanosome).

Les migmatites ont enregistré la mémoire de la fusion partielle des gneiss qui est à l’origine d’un magma lui-même à l’origine des granites d’anatexie.

En quoi un granite est-il une signature d’un épaississement ?

 

Géothermes de la croûte continentale (CC) et solidus du granite

(modifié d’après Encyclopédie Quillet par Ulysse, Lardeaux, Rio, Trombert et Wozniak)

Les géothermes minimum et maximum d’une croûte continentale ne recoupent pas le solidus du granite pour une profondeur de 30 km c’est-à-dire pour une épaisseur moyenne de croûte continentale. La fusion partielle n’est possible qu’à partir d’environ 38 à 50 km de profondeur c’est-à-dire pour une croûte continentale épaissie.
La formation de granite n’est donc possible que dans une croûte continentale épaissie et les granites sont des indices pétrologiques d’un épaississement de la croûte continentale.

 
Source : Guide géologique du Mercantour par Corsini, Lardeaux et Tordjman, BRGM éditions (2013)

Remarque : les migmatites qui affleurent aujourd’hui dans le MCF permettent d’évaluer l’épaisseur de la croûte continentale lors de leur formation : elles se situaient donc à au moins 38 km de profondeur et aujourd’hui la croûte continentale dans le MCF a une épaisseur d’environ 30 km. L’épaisseur de la croûte était d’au moins 68km.

Résumé

La collision entre deux plaques portant des continents amène des fragments de croûte continentale à des profondeurs de l’ordre de 50 à 70 km où elles subissent des conditions de pression et de température particulières. Les roches d’origine se transforment et deviennent des roches métamorphiques comme les gneiss qui peuvent fondre partiellement et être à l’origine de granites. Cet enfouissement est lié au raccourcissement et à l’épaississement de la croûte continentale qui forme une racine en profondeur avec des reliefs en surface. Les granites sont donc des roches qui témoignent d’un épaississement lié au raccourcissement d’une croûte continentale dans une chaîne de collision et les migmatites sont des témoins de la formation de ces granites.

Visualisation d’une migmatite en 3D

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