Mise en évidence de l’action des bactéries du microbiote intestinal dans l’élimination d’un produit de la dégradation de l’hémoglobine, et étude de leur mise en place dans l’intestin après la naissance. Cette activité permet en outre de comprendre l’origine de la couleur des excréments et de l’urine.
Auteur : Vincent GUILI, Lycée Descartes, Saint-Genis-Laval
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BO spécial n°8 du 25 juillet 2019
Terminale spécialité : La Terre, la vie et l’organisation du vivant
Génétique et évolution
D’autres mécanismes contribuent à la diversité du vivant
Connaissances
La diversification phénotypique des êtres vivants n’est pas uniquement due à la diversification génétique.
D’autres mécanismes interviennent :
- associations non héréditaires (pathogènes ou symbiotes ; cas du microbiote acquis).
Capacités, attitudes
Étudier un exemple de diversification du vivant sans modification du génome.
Les ressources peuvent également être adaptées pour une utilisation en seconde.
BO spécial du 22 Janvier 2019
Seconde :Corps humain et santé
Microorganismes et santé
Microbiote humain et santé
Le microbiote humain représente l’ensemble des microorganismes qui vit sur et dans le corps humain.
Les interactions entre hôte et microbiote jouent un rôle essentiel pour le maintien de la santé et du bien-être de l’hôte. La composition en microorganismes et la diversité du microbiote sont des indicateurs de santé.
Le microbiote se met en place dès la naissance et évolue en fonction de différents facteurs comme l’alimentation (présence de fibres) ou les traitements antibiotiques.
Notions fondamentales
Symbiose ; hôte et microbiote ; microbiote maternel et construction de la symbiose hôte-microbiote.
Mise en situation et objectif
La destruction et le recyclage des globules rouges produit un déchet, la bilirubine, qui peut être toxique pour l’organisme s’il s’accumule en trop grande quantité dans le sang. L’élimination des déchets de l’organisme est réalisée par le foie qui les rejette dans l’intestin (et donc dans les excréments) et par les reins qui les rejettent dans l’urine.
On cherche à montrer que l’activité enzymatique des bactéries intestinales permet l’élimination de la bilirubine et que cela contribue au maintien d’une bonne santé.
La stratégie adoptée comprend deux étapes :
- La mise en évidence du rôle du microbiote dans la dégradation de la bilirubine ;
- La démonstration de la mise en place progressive de cette dégradation chez le nouveau-né au fur et à mesure que son microbiote intestinal s’installe.
Consigne
On cherche à montrer que l’une des étapes de l’élimination de la bilirubine est réalisée par une enzyme produite dans l’intestin par des bactéries du microbiote, la bilirubine réductase, et non par une enzyme humaine.
La stratégie adoptée consiste à :
Rechercher dans une base de données de séquences génétiques quels organismes possèdent le gène de la bilirubine réductase ;
Comparer les résultats obtenus à la composition du microbiote humain.
Ressources
Document 1 : Voies de dégradation et d’élimination de l’hème
Source : simpliflié d’après Hall, B., Levy, S., Dufault-Thompson, K. et al. BilR is a gut microbial enzyme that reduces bilirubin to urobilinogen. Nat Microbiol 9, 173–184 (2024)
Les globules rouges ont une durée de vie limitée, environ 120 jours. En fin de vie, ils sont détruits par les cellules immunitaires et leur contenu en hémoglobine est transformé en bilirubine, de couleur rouge-orangé. Ainsi chaque jour 250 à 350 milligrammes de bilirubine sont produits et transportés jusqu’au foie. Le foie les rejette dans l’intestin en passant par le canal biliaire. Dans l’intestin, la bilirubine est transformée en urobilinogène, incolore. Une partie de l’urobilinogène est réabsorbée dans le sang puis éliminée par les reins. Dans l’urine, l’urobilinogène se décompose spontanément en urobiline et lui donne sa couleur jaune. L’urobilinogène restant dans l’intestin est transformé en stercobiline, de couleur marron, ce qui colore les excréments.
Document 2 : Intervention de l’enzyme bilR (bilirubine réductase) dans l’élimination de la bilirubine
La bilirubine réductase est une enzyme qui permet la transformation de la bilirubine en urobilinogène dans l’intestin.

La séquence d’un fragment de cette enzyme est donnée : DMIQVHGDRMCGSFC
Il peut être ouvert et visualisé avec Geniegen2 :
Document 3 : Aide à l’utilisation de BLAST
BLAST (pour Basic Local Alignment Search Tools) est un outil accessible en ligne, utilisé en bioinformatique pour rechercher des régions similaires entre deux ou plusieurs séquences nucléotidiques ou protéiques. Il permet d’identifier la présence de gènes semblables chez différentes espèces.
Deux possibilités pour utiliser BLAST :
- Appui sur la fiche technique FT_BLAST.pdf
- Directement depuis Geniegen2, à partir d’une séquence préalablement chargée dans le logiciel.
Paramétrage de l’outil BLAST dans le cadre de cette étude :
Pour augmenter la pertinence des résultats obtenus, il est utile de restreindre la recherche à la base de données des protéines de référence (Reference proteins) :

Document 4 : Diversité et abondance des bactéries du microbiote humain chez des individus en bonne santé
Source : adapté de Dethlefsen, L., McFall-Ngai, M. & Relman, D. An ecological and evolutionary perspective on human–microbe mutualism and disease. Nature 449, 811–818 (2007)
Le document présente pour chaque partie du corps la répartition entre les différents groupes de bactéries et pour chaque groupe le nombre moyen d’espèces de bactéries.

Résultats
La recherche sur BLASTP des organismes possédant le gène bilR à partir d’un fragment de séquence de l’enzyme bilirubine réductase renvoie une liste ne comprenant que des bactéries (Document 5). Au moins 35 espèces différentes sont identifiées. Elles appartiennent toutes au groupe des Firmicutes. C’est ce même groupe de bactéries qui représente environ la moitié de la diversité spécifique du microbiote intestinal (Document 2).
On constate en outre qu’aucun gène humain n’est identifié.
Document 5 : Résultat de la recherche des organismes possédant le gène de la bilirubine réductase
Résultats du BLAST (onglet Descriptions) : 100 séquences de bilirubine réductase d’origines variées
Quelques espèces identifiées : Clostridium symbiosum, Hungatella hathewayi, Eisenbergiella tayi, Roseburia inulinivorans, Marvinbryantia formatexigens, Butyricicoccus pullicaecorum, Clostridium transplantifaecale, Peptacetobacter hominis, Faecalibacterium prausnitzii, Faecalibacterium hominis, Faecalibacterium duncaniae, Subdoligranulum variabile, Intestinimonas sp., Gemmiger formicilis, Anaerorhabdus furcosa.
Positionnement des espèces dans la classification (utilisation de l’onglet Taxonomy)
On ne retrouve que des bactéries du groupe des Firmicutes
Or le document 1 indique que la transformation de la bilirubine en urobilinogène se produit dans l’intestin, grâce à l’action de la bilirubine réductase (Document 2). On peut donc conclure que de nombreuses espèces de bactéries du groupe des Firmicutes, vivant dans l’intestin, permettent l’élimination de la bilirubine en la transformant en urobilinogène. L’organisme humain, ne possédant pas le gène de la bilirubine réductase, ne peut donc pas à lui tout seul éliminer la bilirubine.
L’intervention des bactéries dans l’élimination de la bilirubine aura au final pour conséquence la production de stercobiline, qui colore les excréments en marron, et d’urobiline, qui colore l’urine en jaune.
Consigne
On cherche à montrer que la capacité à éliminer la bilirubine chez le nourrisson est acquise progressivement lors de la colonisation de son intestin par les bactéries et que cela est bénéfique pour sa santé.
Afin de répondre à ces objectifs il faudra mettre en relation les ressources proposées pour :
- expliquer pourquoi la jaunisse est fréquente durant les 3 premiers mois de la vie ;
- déterminer pour quelles raisons le risque de jaunisse diminue quand le nourrisson prend de l’âge.
Ressources
Les résultats de l’activité 1 seront utiles.
Document 6 : Bilirubine et santé
À des concentrations modérées dans le sang, la bilirubine joue le rôle d’un important antioxydant qui a des effets bénéfiques sur la santé.
Mais si sa concentration augmente trop dans l’intestin, elle est réabsorbée et retourne dans le sang où elle s’accumule (voir document 1). Elle devient alors toxique. Elle entraine d’abord une jaunisse : la peau et le blanc des yeux deviennent jaunes. Dans les cas extrêmes, à très fortes concentrations, la bilirubine provoque l’ictère nucléaire, c’est-à-dire une attaque irréversible du cerveau.
La jaunisse est très fréquente chez les nouveau-nés.
Document 7 : Occurrence de la jaunisse du nouveau-né et présence de la bilirubine réductase (bilR) chez le jeune enfant

Document 8 : Mise en place progressive du microbiote intestinal chez le nouveau-né
Principales bactéries présentes dans l’intestin après la naissance.
Résultats
La jaunisse correspond à l’accumulation de bilirubine dans le sang, ce qui peut avoir des conséquences graves sur la santé (document 6). Or elle est très fréquente chez les nouveau-nés, en particulier durant les deux premiers mois de la vie (document 7). Cette période de jaunisse correspond au moment où la majorité des nourrissons (50 à 70%) ne présentent pas d’activité de l’enzyme bilirubine réductase. Or l’activité 1 a montré que cette enzyme est produite par des bactéries du microbiote intestinal. On peut donc supposer que les bactéries productrices de bilirubine réductase ne sont pas encore présentes ou actives dans l’intestin du nouveau-né, entrainant ainsi l’accumulation de bilirubine responsable de la jaunisse.
Ceci est confirmé par l’étude du document 8 : c’est lors de la diversification de l’alimentation, après 4 mois, que la composition du microbiote se met à ressembler à celle de l’adulte, étant composée de Firmicutes et de Bacteroidetes (cf. document 4). Or lors de l’activité 1 nous avons vu que ce sont les Firmicutes qui produisent l’enzyme bilirubine réductase. Ceci est cohérent avec le document 7 qui montre qu’à partir du cinquième mois, moins de 20% des enfants sont dépourvus de bilirubine réductase.
Pour récapituler, à la naissance les bactéries colonisent l’intestin du nouveau-né. Mais les premières bactéries installées ne produisent pas, ou peu, de bilirubine réductase. De ce fait la bilirubine rejetée par le foie dans l’intestin n’est pas détruite et elle retourne dans le sang où elle s’accumule, entrainant une jaunisse. La composition du microbiote change au cours du temps, en lien avec l’alimentation. Après 4 mois, de nombreuses bactéries Firmicutes ont colonisé l’intestin et produisent l’enzyme bilirubine réductase, ce qui permet l’élimination de la bilirubine et évite les jaunisses. La bilirubine est ainsi maintenue à un taux bas dans le sang, à une concentration où elle est bénéfique pour la santé (action antioxydante).
Document 9 : Structure tridimensionnelle et activité de l’enzyme bilR
L’étude de la structure de la bilirubine réductase a permis aux chercheurs d’identifier la localisation du site actif potentiel de l’enzyme. Pour confirmer cette localisation, ils ont généré une enzyme mutée, en remplaçant deux acides aminés du site actif : en position 166, l’acide aspartique ASP est substitué par une alanine ALA, et en position 167 l’arginine ARG est substituée par une alanine ALA.
L’activité des enzymes sauvage et mutée a ensuite été mesurée après transfert des gènes sauvage ou muté chez des bactéries.

Le graphique représente les résultats (points) et les moyennes (histogrammes) pour 6 expériences indépendantes.
Les structures 3D au format .cif des enzymes sauvage et mutée ont été générées sur Alphafold3 https://alphafoldserver.com/ à partir de la séquence de référence de la bilirubine réductase de Ruminococcus gnavus (appelée aussi Mediterraneibacter gnavus) : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/protein/748701889
Mise en forme dans Libmol.
Référence des acides aminés pour mise en évidence du site actif : 21, 22, 23, 24, 56, 57, 58, 63, 65, 67, 96, 97, 98, 100, 101, 102, 127, 162, 164, 168, 25, 214, 250, 255, 256, 258, 260, 263
Téléchargement des structures :


